Cela faisait trop longtemps que notre reporter n’avait pas dégainé tout le barda. Certains disaient qu’il avait même rouillé, voire avait littéralement sédimenté entre deux strates de calcaire, recouvert par quelques argiles de décalcification provençales.
La rédaction a fini par retrouver sa trace et, ni une ni deux, sans transition aucune, l’a remis au travail car il y avait du retard. C’est que le printemps était déjà là.
Le rédac’chef a pointé du doigt une direction :
Rends toi là haut, une surprise t’y attend!
Le reporter a donc ouvert les yeux, puis les a levés et écarquillés pour se rendre compte qu’il fallait y aller car c’était trop loin pour y voir quelque chose.
La parole est donc à notre reporter tout terrain.
C’est toujours compliqué, pour une première, de savoir par où commencer, car toutes sortaient leurs plus belles toilettes, que certaines avaient rangé dans des boîtes en forme de coeur…
Affolant d’autres qui, se croyant en retard, n’avaient même pas pris la peine de repasser quoique ce soit, mais avaient déjà les oreilles percées…
Bref, il fallait remettre de l’ordre, et le candidat idéal ne s’est pas fait attendre. Il s’est posé, a ouvert les ailes, et tous les regards ont convergé pour suivre la partition ainsi étalée.
Le bellâtre, tout de jaune vêtu (d’où son nom) a bien fait les choses, il faut dire qu’il était aidé par les battements en rythme des antennes d’une minuscule adèle, qui d’ordinaire passe totalement inaperçue…
Les fleurs de coronille ont ainsi adopté la formation caractéristique dite de l’anneau…
Les blancs ont ainsi pu ouvrir le bal en proposant une touche de modernité trouée…
Immédiatement suivis par des bleus peu marqués comme celui de l’aphyllante de Montpellier…
Ainsi que par le bleu azur du lin de Narbonne (oui, encore une ville du sud).
Emerveillée par ce spectacle, dame Poliste, de sang royal, a cessé quelques instants d’aménager son palais alvéolé.
S’est alors que le chêne blanc est entré en scène en étalant ses toutes jeunes feuilles… Roses…
C’était le signal pour démarrer la danse des butineurs, avec l’argus vert qui a toujours la côte, une valeur sûre en début de spectacle…
Accompagné de la très attendue abeille sur support rose toujours non repassé…
Suivie de prêt par une cousine éloignée et solitaire qui ne ménageait pas ses efforts non plus… Classique quand on est méconnue.
Un insecte bijou, l’anthaxie hongroise (oui de Hongrie), a même fait une apparition!
Mais il faut bien le dire, quand la terrible fourmi ensanglantée est entrée en scène recouverte du pollen de la toxique euphorbe…
Tout s’est un peu déréglé, et l’araignée Gypsie, déguisée en berlingot rose pour l’occasion, en a profité pour se prendre un petit encas directement parmi les danseuses, ce qui faisait désordre.
Un peu gênée, la fourmi ensanglantée a tenté de rattraper le tout en s’accrochant au décor…
Mais le calme est revenu quand la dame blanche de ces bois, Cephalanthera , a fait son apparition…
Déployant toute son inflorescence pour clôturer cette première partie.
Cette balade fait partie d’une des dernières faites ensemble.
Tu étais doué, tu aurais dû continuer. Tout le monde n’a pas la chance d’avoir du talent…