C’était en mai. Et en mai on fait ce qu’il nous plait. La direction de De-Natura a donc envoyé son meilleur (et unique) reporter à la recherche d’un océan.
Un océan?
Oui, un océan perdu!
Perdu? Comment ça! Lequel?
L’océan alpin!
Pardon? Il est où celui là?
Et bien dans les Alpes! Pas loin, vers 2000 m d’altitude!
Voilà comment faire tourner en bourrique un reporter qui est, géologiquement parlant, rouillé et ses connaissances enfouies sous quelques strates corticales poussiéreuses.
Direction les Alpes, vers le Chenaillet donc. Il s’agit d’une espèce de lieu saint pour géologues. Il parait qu’ils deviennent hystériques sur place. Ca faisait peur. Le slogan local est même :
Si tu veux voir la mer, regarde tes pieds car tu marches dessus.
Okay! Bref! Je n’étais pas rendu quoi!
En y allant, sur la route, j’ai pu vérifier que le lac de retenue de Serre-Ponçon commençait à se remplir.
Le temps n’était pas spécialement clément, mais le bulletin météo avait précisé que ça tiendrait.
Le terrain, lui, paraissait difficile.
Il a fallu chercher et trouver le bon chemin en partant de Cervières (Hautes Alpes)…
Ne pas se faire remarquer par la sécurité…
Pour enfin progresser à travers les prairies océaniques d’herbe peuplées de moutons marins…
… Il avait même des jeunes qui nageaient vite entre les adultes…
J’ai quand même dû demander ma route à une marmotte de mer qui me regardait de travers…
Et il y avait les fleurs, partout. Le printemps était là, les couleurs aussi :
- le bleu de la gentiane de printemps
- le rose du bouton floral de l’anémone
- ou celui du mélèze
- le blanc de l’anémone de printemps épanouie
Un vrai régal.
Il n’empêche que le temps devenait menaçant…
.. Et que le sentier recelait quelques surprises.
Mais le lac des Sarailles (alt 2236m), premier objectif, a été atteint.
Il permettait d’avoir une vue d’ensemble de tout, car devant vos yeux se trouve un plancher océanique.
Oui, oui!
Avec les légendes ce sera peut être plus facile à comprendre :
Avouez que tout parait plus simple. Non?
Bon alors :
- les basaltes c’est ce qui, dans un océan, constitue le plancher océanique. Il est donc normalement sous les roches sédimentaires (calcaire…), sous les sédiments (la boue pour faire simple), donc sous l’eau.
- Les gabbros sont situés sous les basaltes.
- les péridotites sont situées sous les gabbros.
Pour en rajouter une couche (oui, c’est fait exprès, humour de géologue) :
- Basaltes et gabbros constituent ce qu’on appelle la croûte océanique.
- Basaltes, gabbros et péridotites constituent la lithosphère océanique.
Vous voyez les problèmes?
- déjà le tout est à plus de 2000 m d’altitude…
- ensuite, ils ne sont pas trop disposés comme il le faudrait…
Une fois le repérage fait, je devais voir tout de plus près. Il fallait donc avancer. C’était bien raide et parfois enneigé…
… Le lac paraissait bien loin…
… Et l’Italie était visible.
Tout ça pour atteindre les basaltes disposés en coussin.
S’ils sont arrondis comme ça, aucun rapport avec l’érosion : la lave chaude s’est refroidie rapidement au contact avec l’eau de mer froide.
Seulement voilà, à presque 300m du sommet et à plus de 2500m d’altitude, un vent très froid s’est levé, le grésil a commencé à frapper le visage et la pluie est tombée drue. Il a donc fallu redescendre en urgence, poursuivi par le tonnerre… Non sans prendre le temps d’admirer quelques boutons floraux…
… Et de se demander quel animal avait pu perdre ses écailles dans cette serpentinite.
Le tour prévu n’aura pas pu être fait, malgré les 16 Km parcourus sur plus de 850m de dénivelé positif.
Encore heureux, un peu plus tard et une fois au sec, j’ai pu profiter d’un coucher de soleil magnifique, même s’il était quelque peu nuageux.