Plantons le décors.
Ailefroide est située dans les Ecrins, dans les Hautes Alpes donc, à 1550m d’altitude : l’été les nuits sont fraîches, le 0°C n’étant pas rare. Il n’y a qu’un camping confortable certes, enfin peut être pas pour le citadin car sans animation, peuplé d’alpinistes, de randonneurs et de grimpeurs, les nuits sont calmes également.
Un véritable paradis vous dis-je!
Nous sommes début juillet, et je fais un petit tour côté sud-ouest de la vallée car, comme chaque année, une véritable attraction accueille les grimpeurs.
Imaginez une immense prairie alpine comme on n’en voit pratiquement plus, non fauchée, avec des herbes d’un mètre de haut : un ravissement qui ne laisse personne insensible.
Tiens, mais que sont ces fleurs pourpres qui dépassent?
Tuons le suspens dès le départ, il s’agit du lis martagon (Lilium martagon, Liliaceae).
J’adore cette fleur, à chaque fois que je vais dans les Ecrins l’été, je la prends systématiquement en photo. Les 6 tépales (et oui impossible de distinguer sépales et pétales) roses ponctués de pourpre, les étamines orangées, les fleurs penchant vers le bas… Bref, elles ne font rien comme les autres.
Et quand je dis rose, il y en a pour tous les goûts car les couleurs changent en fonction de la luminosité ambiante… Ce qui tranche avec le rose pâle de la renouée bistorte (Bistorta officinalis, Polygonaceae) venue s’incruster au dernier moment sur la photo.
Invariablement, vient se poser la question de la pollinisation : mais comment ça se passe?
En fait c’est simple comme un papillon. Vous voyez là sous le milieu du tépale? Il y a une sorte de cône.
Mon petit doigt me dit qu’au fond de ce cône il ne serait pas étonnant qu’il y ait du nectar. D’ailleurs, regardez la position de la trompe de ce gazé (Aporia crataegi, Lepidoptera Pierinae ), et constatez la conséquence de la position des étamines sur lépidoptère.
Le papillon bat des ailes pour se mettre en position sous le tépale. Se faisant il heurte les étamines et se retrouve recouvert de pollen. C’est d’ailleurs rigolo de voir les gazés voler, car on repère très facilement ceux qui récoltent le nectar des lis martagon : ils ont tous les ailes d’un rouge orangé à la base.
Allez, on ne s’en lasse pas, même si ici, trouver la trompe est plus difficile.
Ce système fonctionne aussi avec des papillons plus petits, tel ce moiré (Erebia sp., Lepidoptera Nymphalidae)…
… Ou encore avec cette zygène.
C’est que les étamines du lis martagon sont de véritables distributeurs de pollen.
Et elles sont très généreuses.
Seulement voilà, question lis, il y en a un bien moins fréquent et tout aussi spectaculaire : le lis orangé (Lilium bulbiferum, Liliaceae).
Il est tantôt caché dans les hautes herbes…
… Tantôt caché sous un mélèze…
… Voire il crâne fièrement en plein milieu de la prairie.
Bref, il est difficile de le rater…. Sauf à venir trop tard ou trop tôt. Et cette année, début juillet c’était presque trop tard déjà.
Et vous savez quoi? Et bien, ses étamines…
Dire que j’ai réussi à parler d’une prairie fleurie en ne citant que 2 fleurs…