Dans mon jardin il était quelques plants d’églantiers. Sachant que par le passé il y avait une roseraie, j’en ai déduit qu’il devait s’agir de l’églantier des chiens (Rosa canina, Rosaceae) car souvent utilisé en tant que porte-greffe. Je me suis donc « amusé » à bouturer des rameaux afin d’augmenter le nombre de pieds d’églantier, histoire de tester les hormones végétales spécialisées dans la rhizogenèse (oui, un enseignant en Sciences de la Vie et de la Terre a parfois des loisirs étranges 😉 ).
Bref, j’avais fini par me reconstituer une haie assez touffue est suffisante pour subvenir à l’élevage de phasmes tout en cultivant le rêve secret de voir ces phasmes débarquer tout seul dans mon jardin, puisque dans le gros village dans lequel j’habite on en voit.
Ce faisant, et par un hasard total, début mai 2012, l’un de mes églantiers s’est fait agresser : il était tailladé et la cicatrisation me paraissait étrange.
Puis fin mai 2012, en allant chercher du « fourrage » pour mes phasmes, je découvre une des feuilles quelque peu grignotées avec les coupables encore dessus!
Ok! Des chenilles se régalaient. Pourquoi pas après tout!
Ayant des élevages d’araignées, les feuilles sont allées chez les phasmes, les « chenilles » chez les araignées, tout le monde avait bien mangé.
J’ai eu beau espionner ces « chenilles », je n’ai jamais vu ni la métamorphose, ni le papillon… Et pour cause. En y regardant de plus près, certains critères m’ont mis la puce à l’oreille (et m’ont fait oublier de prendre des photos ad hoc). Mais quel était donc le nom de cette bestiole?
Ce spécimen de juin 2013, photographié de très très près apportait la réponse : il y a bien tout de l’insecte, mais les fausses pattes sont trop nombreuses pour parler d’une chenille de papillon (Lepidoptera). Il s’agit en fait d’une larve de tenthrède qu’il faut classer dans les hyménoptères comme les abeilles, les guêpes et les fourmis.
Tiens donc! Voici une fausse-chenille de tenthrède… Oui mais lequel?
De lui :
Ah,! Heu, excusez moi, c’est un peu trop loin et un peu flou.
Je disais donc « de lui : »
Voici donc le tenthrède du rosier (Arge pagana, Hymenoptera Symphyta Argidae) également connu sous le nom de mouche à scie villageoise (et là vous comprenez la totalité du titre, enfin!).
Mouche à scie… Tiens donc (oui encore, je passe mon temps à m’étonner), qu’est-ce que c’est encore que ça?
Comme vous pouvez le constater sur la photo du dessus, il s’agit d’une femelle en pleine ponte. Nous sommes en mai 2013.
Sur la photo suivante, on voit bien qu’elle commence la ponte, après avoir fait quelques trous d’essai plus haut sur la tige semble-t-il.
J’en ai donc profité pour prendre une photo montrant quelques détails de la fameuse scie…
… Qui n’est autre qu’un ovipositeur creusant la tige et y déposant des oeufs.
La future maman ne semblant pas être gênée par ma présence, j’ai pu continuer mes observations.
Et elle a creusé, et elle a pondu…
Si bien que 5 heures plus tard et quelques centimètres plus loin, elle avait enfin fini. Je l’ai vu partir et aucun autre tenthrède n’est venu pondre sur ce pied. Nous sommes le 4 mai 2013.
A ma grande surprise, la blessure de la plante était parfaitement fermée avec une sorte de gel.
Dans les jours qui ont suivi, la cicatrice a noirci puis la tige a commencé à se boursouffler à l’endroit de la blessure (photo ci-dessous prise 6 jours après la précédente).
Encore 4 jours plus tard on distingue une forme générale rappelant un épi de blé.
Le lendemain je me décide à aller voir « d’un peu » plus près…
… Les oeufs sont alors bien visibles.
Le 20 mai on commence même à distinguer des formes dans les oeufs.
Je redouble donc mes patrouilles, sentant le moment approcher… Que je rate, car le même jour en soirée :
Une larve minuscule, translucide sort… Et le vent se met à souffler : la tuile!
Encore heureux je parviens, dans l’obscurité croissante, à faire une photo acceptable de larve :
La suite?
Le 21 mai, à peine écloses déjà gloutonnes et un premier changement de couleur :
Le grignotage est méthodique et total… Par contre les larves restent toujours dessous les feuilles.
Le 1er juin elles ont déjà bien grandi.
Et ensuite?
Ensuite il y a eu un « léger problème » car polistes et araignées ont effectué un raid meurtrier : aucune larve ne s’en est sortie.
J’aurais dû voir le changement de couleur des têtes notamment.
J’aurais dû voir les larves se métamorphoser en adulte.
Et depuis je n’ai jamais pu refaire un tel suivi. J’en reviens donc à me demander s’il ne faudrait pas que, pour une fois, je déroge à l’une de mes règles : ne pas tricher. Dans le cas présent ça consisterait à couper un rameau contenant la ponte, à le placer dans un « studio » photo bricolé pour l’occasion afin de pouvoir tout observer confortablement installé… Avec la possibilité de créer un terrarium contenant quelques plants d’églantier pour espérer observer une reproduction.
L’avenir le dira.
En attendant cette histoire est inachevée.